Mieux comprendre et gérer ses émotions pour réduire les comportements alimentaires compensatoires

Par Audrey Chavana
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Les émotions reflètent nos besoins sous-jacents et lorsqu'ils ne sont pas satisfaits, nos émotions s'intensifient jusqu'à être dérégulées. Les règles sociales et les traumatismes sont à l'origine. Apprendre à accueillir ses émotions et à traiter leurs causes de dérégulation, permet de retrouver une stabilité afin de réduire les comportements compensatoires notamment alimentaires.

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Les émotions sont des réactions spontanées et complexes qui naissent de l'interaction entre notre environnement et notre monde intérieur, notamment nos besoins biologiques. Elles impliquent des phénomènes neuro-psycho-biologiques tels que l'activation du système limbique, des sensations physiques et des perceptions. Bien que parfois désagréables, toutes les émotions sont légitimes. Elles provoquent des sensations physiques instinctives pour répondre à nos besoins sous-jacents, dont nous ne sommes pas toujours conscients.

La dysrégulation émotionnelle

La dysrégulation émotionnelle est problématique. Elle survient lorsque nos besoins ne sont pas écoutés ou partiellement satisfaits, et que nos émotions sont contrôlées, évitées ou étouffées souvent à l'aide de comportements compensatoires tels que l'alimentation, le tabac, l'alcool... Nos émotions nous font parfois peur vis à vis de nous mêmes et du jugement des autres : peur du rejet ou de l'humiliation. À l'origine ce sont souvent des traumatismes et les règles sociales qui perturbent notre capacité à ressentir et à exprimer nos émotions de manière saine, ainsi à reconnaître nos besoins pour y répondre.

Les traumatismes durant l’enfance sont particulièrement graves car les ressources d’un enfant sont limitées, avec un cerveau encore immature pour comprendre et intégrer les événements. D'où la nécessité d'un entourage familial sécurisant, aimant qui rassurent, guident les enfants dans leur apprentissage afin de constituer une estime de soi suffisante. Le cortex préfrontal, responsable de la régulation émotionnelle et de la prise de décision, n’atteint sa maturité complète qu’aux alentours de 25 ans. Face à un stress ou un danger, les réactions instinctives sont de fuir ou de lutter. Cependant, lorsque ces options ne sont pas possibles, on se fige, une réponse fréquente face à des événements douloureux. Cette réaction de figement, surtout si elle est répétée et/ou provient de figures d’attachement au sein de la famille, peut entraîner des traumatismes sévères et une dysrégulation émotionnelle durable à l’âge adulte. Le noyau limbique (l'amygdale), qui gère nos émotions, peut se déconnecter face à une intensité émotionnelle insupportable pour le corps. Ceci ne permet pas à l'hippocampe d'encoder le souvenir, soit l'évènement reste coincé dans l'amygdale. Cela peut mener à une dissociation, allant de légère à intense, où l'on ne se rend pas toujours compte que l'on est en partie déconnecté de son propre corps. Cette déconnexion émotionnelle peut avoir des répercussions profondes sur notre bien-être et notre capacité à interagir avec le monde de manière authentique.

Les règles sociales, bien que nécessaires pour structurer nos interactions, peuvent engendrer des conflits intérieurs en nous poussant à sacrifier nos besoins biologiques pour satisfaire notre besoin d'appartenance à un groupe. La pression pour correspondre à des standards de beauté irréalistes, à des attentes professionnelles élevées ou à une surcharge du quotidien familial peuvent mener à des comportements néfastes comme de la restriction cognitive (=intention de contrôler son alimentation et/ou son corps dans le but de maigrir ou stabiliser son poids) menant à des troubles du comportements alimentaires, un épuisement professionnel, une dépression... Ces normes, amplifiées par les médias et les réseaux sociaux, créent un environnement où il est difficile de se démarquer sans se sentir exclu ou jugé. Notre besoin d'appartenance est particulièrement menacé lorsque les groupes auxquels nous nous identifions sont dysfonctionnels, remplis de personnes ayant des dysrégulations émotionnelles. Savoir communiquer correctement, tant avec autrui qu'avec soi-même, nécessite une bonne régulation émotionnelle et une authenticité envers soi-même.

Devenir des émotions refoulées

Tôt ou tard, les émotions refoulées finissent par ressurgir de manière impulsive principalement durant des périodes de vie avec de grands bouleversements hormonaux tels que l'adolescence, la ménopause..., lors d'évènements semblables à nos traumatismes ou encore lors de stress aiguë chronique. Chez certaines personnes, cela peut se manifester par des maladies physiques sans cause organique, des troubles psychologiques ou psychiatriques. Le quotidien se retrouve perturbé par des flash-back, de la fatigue chronique, des douleurs chroniques, de la frustration, de l’incompréhension, des réactions disproportionnées ou absentes, un brouillard mental... 
La non compréhension fait émerger de nouvelles émotions avec des besoins supplémentaires, compliquant la résolution des troubles. Il devient alors difficile de discerner les véritables besoins derrière ces émotions. Dans certains cas, il est crucial d'accueillir ses émotions, de distancer ses pensées, trier celles qui sont fonctionnelles de celles dysfonctionnelles, tout en se reconnectant à notre corps, à nos motivations primaires et à nos valeurs. Cela permet de mieux comprendre les problématiques et de les éclaircir dans une dynamique de changements, d'actions.

Apprendre à se réguler

- en curatif pour stopper ou atténuer l’utilisation de substituts compensatoires tels que le tabac, l’alcool, les drogues et principalement l’alimentation,

- en préventif dès l’enfance par le biais des parents, entourage proche et de l’école, est essentiel.

Notre cerveau se rassure depuis la naissance avec des substituts comme le lait maternel : nourriture sucrée (lactose) et grasse, un mécanisme naturel et fonctionnel immédiatement. L'alimentation est notre premier régulateur d'humeur. Notre cerveau cherche naturellement à stabiliser notre état émotionnel

Poids d'équilibre menacé

Lorsque nos émotions sont dérégulées, elles peuvent entraîner des comportements alimentaires dérégulés, davantage lorsque nous avons une faible estime de soi et que nous sommes déconnectés de nos sensations intéroceptives (sensations corporelles) ainsi nous éloignant de notre poids d'équilibre. Cela perturbe notre système de régulation énergétique neuro-hormonale, surtout lorsque nous nous imposons un contrôle cognitif strict via des règles alimentairesla perte de contrôle sera à la hauteur du contrôle sans prise en charge adaptée.

Par exemple, une personne peut se sentir contrariée parce qu'elle a envie de manger mais craint de prendre du poids. Cette situation illustre comment des besoins non satisfaits avec le système de régulation énergétique coupé par une restriction cognitive peut conduire à des émotions conflictuelles et intenses.

Pour retrouver cet équilibre, il est crucial de se reconnecter à ses besoins biologiques en traitant la restriction cognitive et les traumatismes sous-jacents s’il y en a. L'objectif est que le cerveau les intègre dans la mémoire comme des événements "ordinaires", afin qu'ils n'interfèrent plus dans le quotidien. Également, de retrouver ses pleines capacités cognitives, ainsi de ne plus fonctionner seulement en mode automatique mais aussi adaptatif afin de se réaliser pleinement.

Se prendre en charge à l'aide d'un(e) thérapeute formé(e) est légitime et souvent nécessaire.

Plusieurs thérapies peuvent être très efficaces pour apprendre à réguler ses émotions et traiter une dysrégulation émotionnelle:
D’autres approches peuvent être utiles comme la méditation, la cohérence cardiaque, des exercices de respiration