Cercle vicieux de la restriction cognitive et des régimes

Par Audrey Chavana
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La restriction cognitive pousse au contrôle alimentaire, mais entraîne frustration, compulsions et perte de confiance en soi. Le cerveau, programmé pour préserver notre survie, réagit en ralentissant le métabolisme, favorisant la reprise de poids et les troubles du comportement alimentaire. Pour sortir de ce cercle, il est essentiel de réapprendre à écouter son corps avec une approche bienveillante et adaptée.

Photo de Hacı Elmas sur Unsplash
La restriction cognitive correspond à l’intention de contrôler son alimentation et/ou son corps dans le but de maigrir ou de maintenir son poids. À ne pas confondre avec le fait de faire des choix alimentaires basés sur la santé où l'intention est tout autre, comme privilégier l’huile de colza à celle de tournesol pour son apport en oméga-3.

De la restriction légère à sévère
Au départ, une sensation de maîtrise satisfaisante se fait sentir lorsqu’on parvient à ignorer sa faim et ses envies. Mais progressivement, le contrôle devient difficile, la culpabilité s’installe et la vulnérabilité au stress augmente. Peu à peu, la perte de contrôle s’amplifie : les pensées obsessionnelles sur la nourriture prennent le dessus, générant un sentiment de danger permanent. Cela peut mener à une perte totale de contrôle, où l’on mange sans faim, avec l’impression que c’est plus fort que soi.

Du comportement compensé au comportement décompensé
Pour gérer son poids, on alterne souvent entre différentes stratégies de compensation :
L’estime de soi diminue et la honte s’installe. Les différents stades de sévérité du cercle vicieux peuvent alterner dans le temps ou s’installer durablement.
Ne restez pas sans accompagnement : même une restriction cognitive modérée altère le raisonnement et renforce les troubles, rendant difficile d’en sortir seul. Soutenons-nous avec bienveillance.

Pourquoi cherche-t-on à contrôler son alimentation ?
Lorsqu’on s’éloigne de son poids d’équilibre pour des raisons hormonales, psychologiques ou médicamenteuses, on pense souvent que la seule solution est de contrôler son alimentation et d’augmenter son activité physique. Ce message est répété en permanence. Pourtant, cette approche ne fonctionne que si l’alimentation n’avait aucun impact sur nos émotions et si notre cerveau n’était pas programmé en mode survie pour nous ramener à notre poids d’équilibre à sa façon à lui. Face à ce système, la lutte est perdue d’avance : le cerveau aura toujours le dernier mot.
Retrouver son poids d’équilibre durablement nécessite de respecter la physiologie du corps et du cerveau, tout en prenant en compte la personne dans sa globalité.

Les effets biologiques de la restriction
Lorsque l’on perd du poids, l’organisme utilise d’abord l’énergie issue de l’alimentation, puis celle de la graisse viscérale, transformée en corps cétoniques. Ceux-ci procurent un effet euphorisant, donnant une fausse impression de bien-être et d’énergie, tout en réduisant la sensation de faim, ce qui favorise la restriction.
À long terme, le cerveau, privé de glucose (sucre), perçoit cette situation comme un danger. Malgré la dissociation des signaux de faim causée par l’euphorie, le corps ralentit son métabolisme pour survivre. L’illusion d’un régime efficace persiste, mais une lutte interne s’installe, menant inévitablement à l’abandon, avec une reprise du poids perdu (voire plus) et/ou des troubles du comportement alimentaire compensatoires.
Malgré l’échec, la personne garde en mémoire la phase où elle se sentait fière et pleine d’énergie. Elle replonge alors dans un nouveau régime, persuadée que cette fois-ci sera différente grâce à une nouvelle méthode, un meilleur suivi ou une meilleure préparation mentale. Mais le cycle se répète, aggravant encore la dérégulation du comportement alimentaire et la santé mentale.
La honte et le dégoût de soi deviennent des sentiments envahissants, la personne pensant que tout est de sa faute, qu’elle manque de volonté et qu’elle est incapable de se contrôler. La grossophobie renforce ce mal-être.

Comment sortir de ce cercle vicieux ?
Il est possible de retrouver un équilibre en réapprenant à écouter son corps et à comprendre la dynamique du cerveau, qui cherche à nous faire retourner à notre poids d'équilibre si seulement l’on respecte et comprend sa physiologie. En adoptant cette approche progressivement, il devient possible de retrouver son poids d’équilibre sans lutte ni privation.
Pour cela, faites-vous accompagner par un(e) diététicien(ne)-nutritionniste spécialisé(e) du comportement alimentaire. Un soutien adapté permet de renouer avec une relation apaisée à la nourriture et de retrouver confiance en soi.

Imaginez un grimpeur en escalade : le système d’assurage correspond à notre instinct de survie. Si l’on décide de l’ignorer, la chute est inévitable.

Chez certaines personnes, la restriction cognitive reste légère et n’affecte que peu leur comportement alimentaire. Cependant, en cas de déséquilibre hormonal, de traitement médicamenteux ou de fragilité psychologique, elle risque de devenir un cercle vicieux. Une prise en charge précoce, même préventive, est essentielle pour retrouver un équilibre alimentaire adapté aux besoins physiologiques et émotionnels.